CONCOURS NATIONAL de la RÉSISTANCE et de LA DÉPORTATION
                     « La Résistance et le monde rural »


Journée du palmarès et des récompenses 14 juin 2006


- Monsieur le Préfet,
- Monsieur le Président du Conseil Général,
- Madame l’Inspectrice d’Académie,
- Mesdames et Messieurs les élus,
- Mesdames et Messieurs les représentants des associations d’anciens résistants, d’anciens déportés, d’anciens combattants,
- Mesdames et Messieurs les chefs d’établissements scolaires,
- Mesdames et Messieurs les professeurs d’histoire qui avez suscité la participation des élèves et constitué, avec les anciens, le jury du concours,
- Et enfin, jeunes filles et jeunes gens des lycées et collèges participant au concours et à qui je m’adresse plus particulièrement.

On m’a confié la tâche d’être pour vous aujourd’hui la voix des anciens, de ceux qui ont vécu et combattu pendant les années noires. Cela ne fait pas de moi un foudre de guerre qui bondissait chaque jour au milieu de la mitraille. Simplement, petit soldat de la résistance, je n’ai pas oublié, comme tous mes camarades ici présents, nos angoisses, nos peurs, nos peines de voir mourir nos amis, mais aussi notre exaltation de participer à un grand dessein pour le pays, c’est à dire chasser l’occupant et neutraliser ses complices français pour ainsi rétablir une République que nous voulions plus juste et plus humaine. Nous avions fait un choix difficile sinon audacieux: désobéir à l’ordre établi, être une minorité active au moins au début, face à une majorité composée pour partie de passifs, d’indécis, voire même de craintifs, mais aussi, pour une autre partie heureusement peu nombreuse, portant les armes contre nous, en collaboration avec l’armée d’occupation. Alors que nous étions des soldats résolus portant les armes pour défendre un idéal, ces derniers nous considéraient comme des voyous, des terroristes, mais nous, nous étions sûrs d’avoir raison devant l’histoire, avant les autres.

Et l’histoire nous a donné raison puisque, par exemple, le lycée Lalande et le lycée militaire d’Autun (ex enfants de troupe du camp de Thol, dans l’Ain) ont été décorés de la médaille de la Résistance, ce qui était aussi un geste symbolique honorant l’ensemble de la jeunesse combattante, étudiante, ouvrière et paysanne.


Jeunes filles, jeunes gens d’aujourd’hui, vous avez voulu traiter le sujet «Résistance et monde rural». Vous avez du mérite car c’était un sujet difficile pour des jeunes du vingt et unième siècle. Entre le monde rural que vous pouvez observer aujourd’hui, constitué essentiellement de très grandes exploitations, de monoculture ou d’élevage intensif et le monde rural de l’époque constitué de très nombreuses petites exploitations familiales, polyvalentes et des artisans vivant de la ferme: charrons, maréchaux-ferrants, laiteries, bourreliers… quelle différence et donc quelle difficulté, pour vous, à fonder une analyse pertinente! Difficulté aussi pour comprendre l’évolution de l’opinion publique en milieu rural qui passe progressivement de la confiance en Pétain si flatteur pour elle, à la désillusion puis au soutien à la Résistance, et en particulier aux maquis à partir de l’instauration du S.T.O. Incendies, viols, exécutions sommaires, tortures seront le prix payé par la population rurale civile pour ce soutien, face à une soldatesque déchaînée.
En recherchant les témoignages et la documentation vous avez fait un grand voyage dans un passé plein de malheurs et de folles espérances. Vous aurez appris qu’on ne doit pas se soumettre à la violence aveugle, à la négation de l’humain. La dignité de l’homme c’est de savoir dire non à l’inacceptable, quel qu’en soit le prix. Vous, les jeunes, citoyens à part entière ou près de l’être, vous devez retenir de vos travaux et recherches qu’il est essentiel d’exercer son esprit critique à l’égard de tout commencement de dérive idéologique qui pourrait conduire à la négation de la République et de ses libertés fondamentales.
Mais ce constat et la réflexion qu’il inspire quant à votre avenir de citoyen ne répond pas aux questions fondamentales sur l’humanité. Qui étaient ces hommes capables des pires cruautés, qui étaient ces officiers capables d’ordonner de tels massacres comme celui d’Oradour par exemple, qui était cet homme, Hitler, concepteur du nazisme, cette idéologie de folie et capable de la faire partager à tout un peuple?


Primo Lévi, un des plus grands écrivains de la Déportation, maquisard, juif italien rescapé d’Auschwitz, nous propose la réponse suivante:
«…Tous nous devons savoir, ou nous souvenir que lorsque Hitler et Mussolini parlaient en public, ils étaient crus, applaudis, admirés. Les idées qu’ils proclamaient étaient en général aberrantes, stupides, cruelles, et pourtant ils furent acclamés et suivis jusqu’à leur mort par des milliers de fidèles. Ces fidèles n’étaient pas des bourreaux nés, mais des hommes quelconques, ordinaires, prêts à croire et à obéir sans discuter.
Il faut donc nous méfier de ceux qui cherchent à nous convaincre par d’autres voix que celle de la raison. Dans la haine nazie il n’y a rien de rationnel. Nous ne pouvons pas la comprendre, mais nous devons comprendre d’où elle est issue et nous tenir sur nos gardes. Si la comprendre est impossible, la connaître est nécessaire parce que ce qui est arrivé peut recommencer.»
Malheureusement et inexplicablement les nostalgiques du nazisme existent, sont actifs et ne reculent devant aucun mensonge. J’ai nommé les négationnistes. Or, bientôt, nous ne serons plus là pour témoigner et il ne restera plus que nos témoignages écrits, les travaux des historiens et les mensonges des assassins de la mémoire. Je suis sûr qu’alors vous saurez choisir et transmettre, ce sera votre devoir…


Mercredi 14 juin 2006.

                          
Jean MARINET
Fils de déporté, Résistant et maquisard, médaillé de la Résistance.