Lettre de Marcel THENON
Interné à la prison Saint-Paul à Lyon
Lyon, le 24 mars 1944
Monsieur,
je viens d'apprendre par mes parents que vous aviez eu l'extrême bonté de leur envoyer un colis qui m'est destiné. Vous ne pouvez savoir combien cela me fait plaisir. Je vous remercie d'avoir apporté à mes parents et à moi-même, en plus d'une aide matérielle importante, une marque de sympathie à laquelle plus qu'à toute autre chose je suis sensible. J'avais craint un instant en effet que vous, les parents de mes jeunes amis de Carriat, ne me gardiez rancune de les avoir entraînés dans une aventure aussi dangereuse. Je vois qu'il n'en est rien heureusement et j'en suis sincèrement heureux.
Ce qu'ils ont fait, ce que nous avons fait, nous nous devions de l'entreprendre. Des circonstances malheureuses ne nous ont pas permis de mener notre tâche jusqu'au bout. Tant pis. "Une entreprise avortée vaut mieux que l'absence de toute entreprise". Nous en serons quitte pour reprendre au grand jour, après la libération, notre rôle de jeunes français, avant-garde d'une jeunesse nouvelle qui s'est révélée dans l'action. C'est avec un immense soulagement que j'ai entendu le verdict du 6 mars. Un seul est resté avec moi pour très peu de temps. Tous les autres sont retournés en liberté. Moi qui connaissais la prison, j'ai été heureux de les voir partir. C'est autant de bras que la France gagne.
Encore une fois Monsieur, je vous remercie. Je vous prie de transmettre à votre fils mon cordial bonjour et l'assurance que je n'oublie ni lui, ni ses camarades.
Recevez, Monsieur et Madame, mes respectueuses salutations.
Marcel Thenon