Quelques remarques sur la Résistance au Lycée
Jean Marinet
Les contacts avec la Résistance avaient été noués par Paul Morin et Marcel Thenon, par le canal de Monsieur Pioda, un ancien officier de réserve. M. Pioda avait un magasin ; il fabriquait des encadrements. Dans son magasin, il affichait ses convictions. Il avait dans sa vitrine, comme d’ailleurs dans toutes les vitrines, le portait de Pétain. En dessous de ce portrait, il avait mis une étiquette « Vendu »...Bien oui, son portrait était vendu...La police n’a pas été très contente, elle lui a rendu visite et lui a demandé d’enlever l’étiquette « vendu », alors il l’a remplacée par une étiquette « acheté ». Il a été repéré tout de suite. Paul Pioda a été un des créateurs du mouvement Libération dans le département. Dans son magasin, il avait imaginé de créer une bourse aux livres scolaires d’occasion pour les lycéens ; maintenant, c’est une chose courante, à l’époque, ça n’existait pas.
Grâce à cette bourse, il était en contact avec des lycéens qu’il interrogeait discrètement ; il a trouvé une oreille attentive auprès de deux d’entre eux qu’il a chargés de créer la résistance au lycée.
Entre nous, nous discutions des opérations militaires, nous savions ce qui se passait en Russie et nous en parlions. A travers ces discussions, nos deux camarades ont pu repérer ceux qui n’étaient pas pétainistes, ceux qui étaient susceptibles de devenir résistants. C’était délicat parce qu’il ne fallait pas se tromper et parler à quelqu’un qui, plus tard, aurait eu soit la langue trop longue, soit pouvait devenir un mouchard (c’est quand même arrivé). C’était délicat, mais ça c’est propagé assez rapidement.
Le principe, c’était de créer des groupes de six, des sizaines, sur le modèle scout ; lorsque deux sizaines existaient côte à côte, les membres de ces sizaines ne se connaissaient pas ; seuls les deux chefs de sizaine se connaissaient en principe. Comme cela, de fil en aiguille, on est arrivé à constituer dans le lycée, deux trentaines : ainsi il y avait 60 élèves résistants qui étaient prêts à faire des distributions de journaux, à arracher des affiches, à chahuter à certaines occasions. Mais aussi, ces 60 élèves s’étaient engagés à prendre les armes le moment venu, c’est à dire en principe au moment du débarquement.