LA PRESSE CLANDESTINE DE 1940 À 1944
Jean MARINET
La presse clandestine a joué un rôle fondamental dans la prise de conscience de la population sur la véritable nature du régime de Pétain et sur l’horreur du nazisme. Elle a fait apparaître la possibilité puis la nécessité de résister pour préparer la Libération.
Il faut se souvenir du contexte de l’occupation. Pétain entre en collaboration et installe en France un régime politique fascisant: suppression de la République et du Parlement, abrogation des libertés fondamentales de la démocratie, mise en place d’une police politique toute puissante et d’un pouvoir judiciaire aux ordres, etc... Les journaux sont sévèrement censurés, Radio Paris est aux ordres des Allemands, écouter Radio Londres est un délit, les murs de notre pays sont couverts d'affiches à la gloire de Pétain et de la Wehrmacht. Le culte du chef suprême, le maréchal Pétain, est introduit dans les écoles à tous les niveaux. En résumé, toute expression libre est impossible, tandis qu’une propagande massive est infligée à la population, à la gloire du maréchal et pour la collaboration avec l’Allemagne.
En réaction à cette situation, une minorité de Français restés lucides, tente dès 1940 de réagir. Mais que faire? Militairement c’est évidemment impossible. Aider les Anglais et la France Libre est une tâche difficile et dangereuse réservée à des réseaux spécialisés, très cloisonnés et dont les effectifs sont limités. Il reste aux Français déterminés, mais dépourvus de moyens, à faire prendre conscience à la population assommée par la défaite, de la duplicité du maréchal et de l’espoir d’une victoire encore possible des Alliés.
Ainsi apparaît, dès 1940, l’idée d’organiser une contre-propagande par la publication d’écrits clandestins distribués aussi largement que possible. Les difficultés sont multiples: trouver du papier malgré le rationnement, trouver des fonds pour l’acheter, recruter des rédacteurs, recruter un imprimeur courageux, et tout cela à la barbe des polices françaises et allemandes particulièrement actives et des nombreux délateurs à leur service.
D’abord, dès juillet 1940, de petits groupes se sont mis à l’œuvre, puis se sont multipliés. Certains ont disparu faute d’argent ou dénoncés, d’autres se sont regroupés lorsque les grands mouvements de résistance se sont structurés. De juillet 40 à la libération, ce sont 60 titres environ qui ont vu le jour sous différentes formes: petits feuillets ronéotés*, petits journaux imprimés, ouvrages littéraires ou poétiques, journaux importants enfin.
Les pertes humaines seront nombreuses: emprisonnements, déportations, exécutions, décapitations. Mais, en dépit de la répression, la puissance de la presse libre clandestine ne cessera de croître jusqu’à la libération.
Au lycée Lalande de Bourg en Bresse où la Résistance est entrée sous l’égide du mouvement "Libération", les journaux arrivent, transportés par des élèves externes résistants, et sont distribués aux sympathisants. Les lycéens internes, lors de leur retour hebdomadaire dans leurs familles, emportent également des paquets à distribuer dans leurs localités. Cela n’était pas sans risques car les contrôles dans les gares et sur les routes étaient fréquents. Il faut noter que les lycéens résistants distribuaient, sans distinction, les publications de tendances diverses comme "Libération", "Combat", "Franc Tireur", "Bir Hakeim", "Témoignage Chrétien". Il n’y eut pas d’incident à déplorer chez les lycéens pour cette activité. Il faut également savoir que "Libération" était imprimé à Bourg dans la petite "Imprimerie Républicaine" du typographe Bourru aidé par ses ouvriers Michallat et Page, recrutés par Paul Pioda, figure emblématique de la résistance dans l’Ain. "Bir Hakeim" créé par André Jacquelin fut, lui aussi, imprimé à Bourg, puis à Morez pour un grand reportage sur les maquis de l’Ain.
LISTE DES PARUTIONS
* Ronéoté: Une "ronéo" était une machine rudimentaire, actionnée à la main, et qui reproduisait un texte préalablement tapé à la machine ou écrit à la main sur un papier spécial, le stencil.
Sources : André JACQUELIN, Pierre SEGHERS
Jean MARINET