Un pionnier : Paul PIODA
À la rentrée scolaire 1940-1941, nous vivions sous un nouveau régime, celui de la collaboration du gouvernement de Vichy avec l’Allemagne de Hitler. Chaque jour, et ensuite chaque semaine, dans la cour d’honneur, mis en rangs, nous devions saluer le drapeau et chanter à la gloire de Pétain : « Maréchal, nous voilà ».
A quelques uns, nous remplacions le mot « maréchal » par le mot « général », pour bien montrer que nous avions choisi de Gaulle.
Un peu plus tard, il nous fallut chanter le « couplet du Maréchal » de la Marseillaise. Bonnes occasions pour quelques voix indécelables dans la foule de prononcer « Miss Berthet, Miss Berthet chérie »(du nom de notre prof de musique) au lieu de « Liberté, liberté chérie », ce qui réjouissait bien tous ceux, profs compris, qui savaient bien que la liberté était de plus en plus bafouée.
Dans le même temps, les inscriptions commençaient à fleurir sur les tableaux et sur les murs. Nous avions à peine 15 ans, mais nous cherchions des activités plus « sérieuses ».
Cela ne tarda pas. Dès l’automne 1940, nous faisions la connaissance de Paul PIODA et de sa sœur Louise. Ils tenaient un magasin de vitrerie-miroiterie situé rue du Gouvernement (actuellement rue Victor Basch), sur le chemin du lycée pour de nombreux externes ou demi-pensionnaires comme moi-même.
Paul Pioda commença par nous fournir des photos du général de Gaulle (où il était en tenue de Colonel), photos à vendre discrètement pour détecter les lycéens décidés à entrer dans la Résistance.
Notre vitrier avait d’ailleurs, dès 1940, « récupéré » des armes à la caserne Aubry pour les entasser à Saint-Just. En 1941, c’est lui qui dirigeait le principal mouvement de Résistance, le mouvement « Libération ».
C’est encore sous son impulsion que nous diffusions dans le lycée, les journaux clandestins, tels Libération, Combat, Franc-Tireur, Bir-Hakeim,...En allant ou en sortant du lycée, je m’arrêtais régulièrement chez « Pioda » pour avoir des consignes d’action.
Arrêté le 18 juin 1943, Paul Pioda fut déporté à Dachau. Il y mourut le 31 octobre 1944 au camp de Flossenbürg.
Pour nous, les jeunes, c’était un pionnier. La Résistance au lycée Lalande lui doit beaucoup.
Marcel ROSETTE
Extrait de « Histoire peu ordinaires de lycéens ordinaires » pages 15-16