11 octobre 1995

Présentation de l'ouvrage

 

"HISTOIRES PEU ORDINAIRES DE LYCÉENS ORDINAIRES"


POURQUOI vouloir écrire et parler, à 70 ans et plus ? à des enseignants et des jeunes, de surcroît ?

 

Ce n’est pas parce que nous serions détenteurs d'une Vérité, celle que traquent les historiens. Et ce n’est pas non plus pour notre gloire ou pour une quelconque reconnaissance.

Il se trouve que nous, lycéens ordinaires, avons été pris dans le tourbillon, dans la tempête d'une histoire humaine, tristement humaine, et susceptible, sous une forme ou une autre, de toujours resurgir. II se trouve que, si faiblement que ce soit, nous avons contribué à écrire cette Histoire.

Mais, conscients de la vanité à prétendre en démonter les mécanismes, nous avons voulu n’en parler que de façon indirecte, à travers des anecdotes, des aventures ponctuelles où la guerre nous a conduits, et dont nous avons été les acteurs ou les témoins directs.

C'est une sorte de matière brute, dépouillée d'enjolivures, souvent dédramatisée, car la mort était toujours là, qui guettait, qui frappait. Ceux qui racontent sont ceux qu'elle a épargnés, par hasard.

 

Mais pourquoi l'écrire ?

Mon père est revenu de la tuerie de 14-18 mutilé à 20 ans. Quand il défilait, le 11 novembre, il pensait s'être battu pour la paix, définitive....

Le mot vainqueur lui-même commence par «vain» !
La victoire est vaine si elle ne débouche pas sur une réconciliation. «Tu seras un homme, dit KIPLING,
Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d'un même front
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront...»

 

C'est bien de paix que nous voulons parler, et plus précisément de notre responsabilité à tous dans la paix : de la dose quotidienne d'effort de tolérance, de compréhension, et même, si j'ose être un peu grandiloquent, de référence constante à notre devise républicaine oblitérée par «l'État français» de Pétain : LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ. Je vous invite à y réfléchir. Il s'agit bien d'une devise, qui forme un tout cohérent et indissociable. Chacun des trois termes mérite notre analyse, notre intérêt et notre attachement ; mais c'est bien l'ensemble et la liaison des trois qui en font la force, dans quelque ordre que vous les preniez.

Nous voulons donc parler de notre responsabilité individuelle sur ce chemin qui est celui de la dignité des hommes. Aucun peuple ne peut, sans danger pour tous, être associé à une idéologie perverse. Ces pieuvres insinuent leurs tentacules sans visage dans tous les systèmes démocratiques. Il nous appartient à tous de les déceler et de les combattre. Ne nous laissons pas aller, de notre fauteuil, à accuser des factions, des lobbies, qui feraient tout le mal : c'est à chacun de nous, jusqu'à la fin, mais depuis le début, de participer à la lutte contre les incompréhensions, les injustices, le non-respect de l' autre.

Les déviations sont insidieuses. Nous avons vu des foules accepter une «morale» inique, et s'en accommoder. Il était important, à notre époque, de se lever, de prendre les armes. Mais il fallait d'abord résister à l'endoctrinement, à la facilité d'accepter un quotidien égoïste, de sauver en soi une capacité à discerner, à disposer de sa liberté intérieure, essentielle.

Si liée qu'elle soit à la profondeur de nous-même, cette liberté n'exclut pas le respect de l'autre : bien au contraire, elle s'en nourrit au travers de la responsabilité citoyenne, car on s'enrichit à écouter les autres.

Cette liberté-là, préalable à l’action, c'est celle que je souhaite à tous les jeunes de ce pays, pour une vie dense et longue, dont les plaisirs ne seront pas absents.

 

Peut-être y aurons-nous si peu que ce soit contribué par ce recueil «d'Histoires peu ordinaires de lycéens ordinaires» que 32 auteurs épars, différents par leurs carrières respectives, ont écrit chacun dans son style propre, avec sincérité et retenue. Des anecdotes épinglées sur la trame de l'Histoire, marquées par la force du vécu, le souci d'être vrai, 50 ans après, jusqu'à rechercher ses notes...

Quelque 40 photos, dont certaines inédites, enferment une émotion qui va bien au delà des mots.

Nous avons limité l'apport extérieur à quelques citations, et vous ne serez pas étonnés, aux cotés d'Etiemble, de rencontrer Schiller et Goethe.

Enfin, nous avons voulu terminer symboliquement par la photo de l'un des nôtres, grand-père solide et attentionné, avec sa petite-fille. Car si nous avons tenu à rendre hommage aux morts, aujourd'hui, la parole est aux vivants.

La réalisation matérielle de l'ouvrage a fait l'objet de notre attention sourcilleuse et quasi insupportable. Nous en remercions d'autant plus nos patients partenaires : les graphistes aveyronnais que j'ai sollicités ; les techniciens du Conseil Général attentifs à nos exigences nombreuses, y compris celle des photos en couleurs, de cette belle réalisation technique ; l'Office des Anciens Combattants pour son travail de saisie, mais aussi, Madame la Directrice, pour vos conseils éclairés et la diffusion dont vous vous êtes chargée.

 

Aujourd'hui, Madame le Proviseur, nous avons le grand plaisir d'être accueillis dans votre Établissement. J'y ai passé 7 ans, étroitement interne et cependant heureux. Vous nous avez permis, en contact fructueux avec Monsieur PIOLI et les professeurs d'histoire, de rencontrer à plusieurs reprises des élèves dont je garde le souvenir d'une attention sans faille. Merci. Un projet sera-t-il poursuivi ? Nous en parlerons tout à l'heure. Monsieur l'Inspecteur d'Académie nous dira ce qu'il en pense.

 

C'est le Conseil Général de l'Ain qui a assuré le financement et la réalisation de l'ouvrage, dont nous apprécions la grande qualité matérielle. Je veux vous dire, Monsieur le Président, au nom de mes camarades, toute notre gratitude. Mais plus encore, comme toutes les personnalités présentes, vous remercier de l'intérêt que vous manifestez pour notre démarche en étant aujourd'hui personnellement présent parmi nous, en compagnie de notre camarade et ami Paul MORIN.

Paul MORIN est ici à double titre, puisqu'il est à la fois Président d'honneur de notre Association et Vice-Président du Conseil Général.


Pierre FIGUET
Président de l’association

 

 

histoires peu ordinaires de lyceens ordinaires

 

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