La RÉSISTANCE au LYCÉE LALANDE
dès l’année scolaire 1940-1941


Si dans nombre de lycées, collèges, des proviseurs, des directeurs, des professeurs, suivirent scrupuleusement les consignes gouvernementales, par contre certains surent habilement faire le silence sur quelques affaires, ou mieux surent s’y opposer, discrètement en 40-41, plus ouvertement les années suivantes.
Au lycée Lalande de Bourg-en-Bresse, la situation devint tout de suite plus sérieuse, du fait de la position vichyste outrancière, voire collaborationniste, du chef de l‘établissement, Monsieur Maurer. Ce proviseur, dès la rentrée d’octobre 1940 abattit ses cartes. Dans chaque classe, et particulièrement dans les classes terminales, il vint faire son discours politique, dans lequel il était stipulé que l’on devait observer une obéissance aveugle au Maréchal Pétain, à son gouvernement, à l’autorité de ce lycée, donc au chef de l’établissement en question, que toute déviation serait sanctionnée. Pour les élèves de la classe de Math-Élem., la situation se compliquait, étant donnée la position extrême du professeur de Mathématiques, Monsieur Roy. La collusion entre le proviseur et ce professeur était évidente.

 

Une circonstance rendait plus délicate encore cette situation. Certains élèves de cette classe, débutant dans la Résistance, gaullistes, pleins d’enthousiasme, faisaient fatalement de la propagande, peut-être discrète, mais trop souvent imprudente. Or, le fils de Monsieur Roy appartenait à cette classe. Il rapportait évidemment à papa ce qu’il avait entendu dans la cour de récréation, en lui fournissant des noms. L’étiquette de gaulliste que le fils donnait à tel ou tel camarade était vite connue du professeur, puis du proviseur.
Au cours du printemps 1941, Monsieur Maurer, après avoir réuni le conseil de discipline, (lequel refusa de sanctionner certains de ces élèves de Terminale, grâce notamment à Monsieur Barry professeur de physique-chimie), Monsieur Maurer fit une liste des élèves renommés pour être gaullistes, ou simplement suspects, "tous de mauvais élèves", disait-il, et l’adressa au Préfet de l’Ain. Celui-ci délégua son épouse auprès de la mère d’un de ces "mauvais élèves". Le conseil de se tenir tranquille fut entendu. L’affaire n’eut pas de suite, sinon qu’elle enseigna aux apprentis résistants la prudence.

 

Un fait plus grave s’était produit peu de temps après la rentrée d’octobre 1940.
Vers le 20 de ce mois, deux semaines après la promulgation des décrets de Vichy à l’encontre des Israélites, un incident montrant bien l’influence néfaste du gouvernement sur certains esprits, se produisit à la sortie du lycée. Trois élèves de Math-Élem. s’en prirent à un camarade, du nom de Cerf, uniquement parce qu’il était juif. Ils le rouèrent de coups. Alors que les années précédentes les élèves comptaient parmi eux quelques israélites, sans qu’aucune difficulté n’apparût jamais.

Une raison de plus de résister, de lutter pour la Liberté, le Respect des individus, contre le Racisme.


Quelles étaient les raisons de résister dès octobre 1940 ?
Le Patriotisme. Sentiment indéniable existant chez beaucoup d’élèves du lycée Lalande comme chez beaucoup de citoyens français. Il apparaissait intolérable de voir ou de savoir les deux tiers du pays, et Paris, occupés par l’Allemand. Il ne s’agissait pas d’un esprit de revanche stérile, mais d’un refus de l’abandon de la culture, de l’histoire, du patrimoine de la France.
La Liberté. L’occupation allemande étant bel et bien accomplie, le Français, notamment celui de la zone occupée, à peine remis de l’énorme choc qui l’atteignait, à peine conscient du bouleversement qu’il venait de subir, ressentit une frustration qui ne fit que s’accroître au cours des années suivantes. La perte de la liberté, notamment la liberté de la presse, de l’expression fut d’autant plus sensible que l’étau nazi se resserra de 40 à 44.
L’abolition de la République. (Corollaire de la précédente raison de résister), fut une des conséquences des pleins pouvoirs accordés à Pétain et à son gouvernement: Disparition de la constitution parlementaire, et institution de "l’Etat Français", avec ses pouvoirs autarchiques. Le régime démocratique était aboli, ridiculisé par la Presse.
Être témoin d’exactions commises. Exemple: pogrom à l’égard de juifs.
Par adhésion à la Propagande. (Ami, connaissance, radio de Londres, etc).


À partir de fin 1942, début 1943,
six événements principaux intervinrent
pour apporter de nouvelles raisons de résister :


Le 8 novembre 1942, le débarquement américain en Afrique du Nord. Jusque là, beaucoup de Français, attentistes, pronostiquaient la victoire de l’Allemagne. Un doute apparut dans les esprits de citoyens français, incertains jusque là.
Le 11 novembre 1942, l’invasion de la zone sud par la Wehrmacht et les S.S.. L’armistice devint caduc. Pétain, son gouvernement ne bougèrent pas. Le doute grandit.
Le 27 novembre, l’Armée d’Armistice fut dissoute, la Flotte de Toulon se saborda pour ne pas passer aux mains des Allemands. Nombre de militaires, de marins, libérés du serment au maréchal, s’enrôlèrent dans la Résistance. Pas tous.
Le 2 février 1943, la grande victoire de Stalingrad, par la capitulation de la VI° armée allemande encerclée depuis novembre 1942, démontra que l’invincibilité de l’armée allemande était un leurre. Les différentes classes sociales françaises en furent conscientes. Déjà, l’offensive de la VIII° armée britannique à El Alamein en Égypte, le 23 novembre 1942, ébranla certains attentistes.
Par les décrets de Vichy du 16 février 1943, le Service du Travail Obligatoire en Allemagne (S.T.O.) fut institué, ce qui décida une grande quantité de jeunes à devenir réfractaires et à rejoindre les maquis, déjà en formation. Ce fut le cas du département de l’Ain où furent organisés des maquis mémorables, commandés par celui qui sera le Colonel Romans. Le gauleiter S.S. Saukel, qui avait exigé la création du S.T.O., fut bien le pourvoyeur des maquis.
Le 6 juin 1944, le débarquement anglo-américain en Normandie, fut l’occasion pour ceux qui ne s’étaient pas encore décidés ou pour les plus jeunes aussi.


François-Yves GUILLIN - Janvier 2006